Italiens, espagnols, portugais, chinois, vietnamiens ont reçus par vagues successives un accueil bienveillant en France. Toutes ces communautés vivent en paix et sont parfaitement intégrées.
La France est un ancien pays d’immigration. Depuis le début du XXe siècle, les entreprises
puis l’État ont largement fait appel aux immigrés pour venir travailler en France. Cependant, la
crise de 1930 provoque des replis identitaires et des mouvements de xénophobie, accentués
sous le régime de Vichy. Durant les Trente Glorieuses, les immigrés sont appelés
massivement et participent à la reconstruction et à la modernisation du pays. À partir de la
crise des années 1970, l’immigration de masse est stoppée et laisse place au regroupement
familial.
Le rejet de l’immigré se développe et la « question de l’intégration » envahit l’espace
médiatique. Malgré ces ressentiments à l’encontre des immigrés, l’intégration s’effectue sans
difficulté pour la majorité d’entre eux.
Les débuts de l’immigration de masse
La France est un des premiers pays d’immigration en Europe à la fin du XIXe et au début du XXe
siècle :
Elle achève rapidement sa transition démographique et sa faible natalité la distingue de ses
voisins.
C’est un pays qui s’industrialise au XIXe siècle et qui a un besoin de main-d’œuvre dans les
usines, les mines et dans l’agriculture.
Cette immigration est surtout européenne, les Belges et les Italiens sont les nationalités les plus
représentées. Mais les immigrés viennent également d’Algérie.
La législation française développe le droit du sol et permet ainsi l’intégration des étrangers.
Étranger
Un étranger est une personne résidant dans un pays, sans en avoir la nationalité, même s’il est
né dans ce dernier.
Immigré
Un immigré est une personne qui est née dans un pays étranger et qui a fait un voyage de
migration. Il peut être naturalisé après son arrivée, c’est-à-dire avoir la nationalité française tout
en restant immigré. Il n’est alors plus un étranger.
Droit du sol
Le droit du sol conditionne l’obtention de la nationalité à la naissance sur le territoire
EXEMPLE
En 1889, les étrangers nés en France de parents étrangers peuvent accéder à la nationalité
française. En 1927, la loi facilite les naturalisations.
Après la Première Guerre mondiale, l’État encourage l’immigration pour pallier la crise
démographique que le pays vient de subir pendant le conflit. En effet, environ 20 % de la
population active est morte. L’État signe avec plusieurs pays des conventions destinées à faire
venir en France des travailleurs étrangers. Il s’agit majoritairement de migrants venus des pays
européens : Italie, Espagne, Pologne, Allemagne, Suisse, Belgique, etc.
De plus, il accueille des réfugiés, tels que les Arméniens suite au génocide, des Russes suite à la
Révolution russe, des Italiens et des Allemands qui fuient le fascisme et le nazisme, et enfin des
Espagnols qui fuient la guerre civile de 1936. De nombreux immigrés espagnols républicains
seront parqués dans des camps.
La France est le pays qui compte le plus d’immigrés en Europe dans l’entre-deux-guerres avec
environ 2,3 millions de personnes en 1936.
Le rejet des immigrés dans les années 1930
Le rejet des immigrés ne date pas des années 1930. De manière générale, les crises
économiques et les frustrations sociales sont l’occasion de replis identitaires et de
développement de sentiments xénophobes. Ces tensions ne sont pas nouvelles, déjà en 1893,
des Français massacrent des Italiens à Aigues-Mortes et font plusieurs dizaines de morts.
Dans les années 1930, la recrudescence de xénophobie s’explique par la crise économique qui
touche le pays. Les étrangers sont accusés de prendre le travail des Français et beaucoup voient
dans leur présence la cause de l’affaiblissement de la France. L’État entreprend des expulsions
massives d’étrangers, parfois au mépris des conventions signées.
EXEMPLE
En 1935, des expulsions collectives de Polonais sont organisées
L’hostilité envers les immigrés augmente et des groupes, dont les ligues d’extrême droite,
affichent volontiers leur haine de l’étranger.
L’État prend des mesures visant à restreindre l’immigration, comme les lois Daladier en 1938, et
le régime de Vichy développe une xénophobie officielle, accusant les étrangers d’être
responsables du déclin de la France.
L’immigration de masse durant les Trente Glorieuses
La France fait largement appel à l’immigration de la fin de la Seconde Guerre mondiale au début
des années 1970. Plus de 2 millions d’étrangers entrent sur le territoire durant cette période :
La croissance économique des Trente Glorieuses explique ce recours massif à l’immigration.
Les étrangers travaillent dans les emplois les moins qualifiés et les plus pénibles.
Les étrangers proviennent d’Europe du Sud (Espagnols, Italiens, Portugais) et aussi du
Maghreb et de l’Afrique noire.
L’État crée l’Office national de l’immigration (ONI) afin d’encadrer ces arrivées mais cet office
se révèle incapable de gérer l’ensemble des flux. Les entreprises recrutent directement cette
main-d’œuvre dans les pays d’émigration et de nombreux travailleurs étrangers régularisent
leur situation une fois qu’ils ont obtenu un contrat de travail.
Les étrangers sont nombreux à vivre dans des logements insalubres et vétustes (foyers pour
migrants, bidonvilles).
Ils sont isolés et subissent le mépris d’une partie de la population française.
Le « problème de l’immigration »
En 1973, le choc pétrolier affecte la croissance économique de la France. Le président de la
République Valéry Giscard d’Estaing suspend l’immigration de masse en 1974 et encourage les
étrangers à retourner dans leur pays d’origine. Désormais l’immigration n’est plus économique,
elle devient familiale suite à la mise en place du regroupement familial en 1974.
Le phénomène des immigrés clandestins se développe malgré les contrôles mis en place aux
frontières européennes dans le cadre des accords de Schengen.
Puis apparaît le « problème de l’immigration ». Une partie de l’opinion publique, relayée par des
partis comme le Front national, assimile l’immigration à la délinquance. Ce rejet de l’immigration
se poursuit jusqu’à aujourd’hui. Les discours contre l’immigration trouvent des échos dans les
plus hautes sphères de l’État et les expulsions d’étrangers se multiplient tandis que le droit
d’asile est fortement restreint.
EXEMPLE
Selon la Commission européenne, la France est en 2013 le pays qui, parmi les cinq pays
européens qui enregistrent le plus de demandes d’asile, est celui qui l’accorde le moins
facilement. En effet, 17 % des demandes ont une réponse positive en France contre plus de
50 % en Suède ou 26 % en Allemagne.
La marche pour l’égalité et contre le racisme (la « marche des beurs ») en 1983 permet de mettre
au jour les problèmes de racisme en France. Plusieurs associations luttent contre la
discrimination (SOS Racisme, LDH, LICRA, etc.).
Un des problèmes les plus importants qui frappe les populations immigrées et étrangères en
France est le problème du chômage et de la précarité sociale, beaucoup plus élevé chez les
populations immigrées ou issues de l’immigration. Cependant, malgré les discours alarmistes,
l’intégration se poursuit sans difficulté pour la plus grande partie des immigrés.
Selon l’INSEE, en 2014, la France compte 4,2 millions d’étrangers et 7,6 millions d’immigrés.
Quant aux enfants d’immigrés, malgré de nombreuses représentations erronées, ce sont des
citoyens français à part entière. Comme le reste de la société, ils aspirent à vivre normalement
sans être constamment ramenés à leur statut de descendants d’immigrés et cherchent avant
tout à ne plus faire l’objet de discriminations dont ils sont encore trop souvent victimes
1968 160.000 Tchécoslovaques immigrent vers l’Europe de l’Ouest
La fin du Printemps de Prague entraine une vague d’immigration, 160.000 Tchécoslovaques partent vers l’Ouest. L’accueil réservé par les Occidentaux est très cordial et très solidaire. En janvier 1968, le réformateur communiste Alexander Dubček arrive au pouvoir en Tchécoslovaquie. Il introduit alors « le socialisme à visage humain » et prône une relative libéralisation, la population et les mouvements intellectuels suivent. Mais le 21 août, les troupes du Pacte de Varsovie, une organisation militaire des pays socialistes d’Europe de l’Est fondée en 1955, envahissent le pays et rétablissent l’ordre.
A la fin de cette année 2015, le Vieux Continent devrait avoir accueilli près de 1 million de réfugiés et de migrants. Cette arrivée en masse, l’une des plus conséquentes qu’a connue l’Europe, rappelle les exodes nombreux et massifs qui ont bouleversé le XXe siècle. Ces déplacements, en majorité internes à l’Europe, résultaient de conflits et de persécutions sur le continent : la révolution bolchévique en Russie, la dictature franquiste en Espagne, la fin de la Seconde Guerre mondiale, la répression soviétique en Europe de l’Est, le conflit des Balkans des années 1990… Retour sur les vagues les plus importantes qui ont touché l’Europe depuis 1920. Plusieurs rapatriements massifs du siècle dernier peuvent être comparés à des migrations, puisqu’un nombre important de personnes, avec une culture ou un niveau de vie différent des locaux, ont réintégré leur pays sur une courte période. L’on pense par exemple au 800.000 pieds noirs qui ont rejoint la France après la signature des accords d’Evian en 1962, mettant fin à la guerre d’Algérie, ou encore aux milliers d’Allemands qui ont quotidiennement fui l’Allemagne de l’Est vers l’Ouest à la chute du mur de Berlin en 1990.
Migrants, réfugiés, demandeurs d’asile en Europe
Etat des lieux de la situation des « migrants » arrivés en Europe au premier semestre 2015, alors que les pays en développement accueillent pour rappel 86% des réfugiés de par le monde.
Premier épisode d’une série sur les migrations en Europe en trois volets : avant une mise en perspective historique et géographique, et un inventaire des réponses politiques de l’Europe, voici un état des lieux de la situation des « migrants » arrivés en Europe au premier semestre 2015, alors que les pays en développement accueillent pour rappel 86% des réfugiés de par le monde.
« Nous sommes tous bouleversés par ces terribles nouvelles » confiait ce jeudi Angela Merkel, réagissant à l’annonce de dizaines de morts retrouvés dans un camion en Autriche. Au même moment se déroulait à Vienne un sommet avec les dirigeants des Balkans de l’Ouest (Serbie, Macédoine, Grèce, Hongrie) afin de trouver une solution pour résoudre la crise de l’asile à laquelle fait face l’Europe.
Où vont les réfugiés et les demandeurs d’asile ?
Pour faire le point sur des données complexes à manipuler, cette carte représente deux réalités souvent amalgamées dans le discours public : les demandeurs d’asile , indiqués par les points oranges, qui ont administrativement formulé une demande auprès des autorités : au premier semestre 2015, près de 30 000 premières demandes d’asile ont été enregistrées en France, près de 12 000 au Royaume-Uni, et près de 189 000 en Allemagne. Les flux de migrants estimés par l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures (Frontex) et le Haut commissariat aux réfugiés (HCR), sont quant à eux indiqués par les flèches violettes, qui désignent également les principaux accès maritimes et terrestres. L a route des Balkans et celle de la Méditerranée de l’Est sont récemment les plus massivement empruntées , avec respectivement 102 300 et 132 240 passages entre janvier et juillet 2015 estimés par Frontex. Ces estimations de l’agence européenne et du programme de l’ONU, à manier avec précaution en tant qu’estimations, évoluent par ailleurs d’heure en heure, les migrants passant les frontières de l’UE et circulant à l’intérieur de l’espace Schengen.
*Circulez dans la carte avec la souris, zoomez avec le bouton +/-, et cliquez pour obtenir des informations précises sur chaque pays et chaque route (part de demandeurs d’asile dans la population globale, provenances principales des migrants…) dans les infobulles sur les données. *
Le nombre de demandeurs d’asile ainsi présenté en valeur absolue dans chaque pays ne donne pas une idée juste de l’impact démographique de ces migrations. Il est nécessaire de rapporter ces données à la population globale des pays européens _* pour prendre conscience du poids réel que représentent les demandeurs d’asile à l’intérieur du pays, ou vis-à-vis de l’ensemble de la population européenne, comme le montre ce graphique, soit *_moins d’1 demandeur d’asile pour 1.000 personnes (données fournies par Eurostat et le HCR cumulant les demandes d’asile déclarées entre janvier et juin 2015) :
D’où viennent les migrants et réfugiés ?
L’itinéraire de Hamed, venu d’Érythrée, rappelle s’il le fallait que l’immense majorité de ces « migrants » quittent leur patrie sous la contrainte. Il témoigne des raisons de son départ, et de son parcours jusqu’à la Méditerranée, au micro de Chloé Cambreling, dans le Magazine de la Rédaction, « De l’Erythrée à La Chapelle : fuir la terreur à tout prix », diffusé le 3 juillet 2015 :
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2 min
Les principaux pays de provenance des « migrants » estimés par Frontex, arrivés en Europe par les routes des Balkans et de la Méditerranée entre janvier et juillet 2015, met en évidence le caractère avant tout politique et contraint de leur départ. La plupart de ces exilés sont ainsi éligibles d’emblée, de par leur pays d’origine, au statut de réfugié selon les termes du HCR :
Chaque jour, des centaines de personnes risquent ainsi leur vie à la recherche d’un sentiment de sécurité, et des conditions correctes d’existence en Europe. Le HCR dénombre ainsi 2 240 morts et disparus en Méditerranée depuis janvier 2015. Ce chiffre s’alourdit de jour en jour, comme le prouve sur ses cartes le consortium européen de journalistes « The Migrants Files ».
La délicate question du lexique
Mal nommer ces centaines de milliers d’hommes, femmes, enfants jetés sur les routes de l’exil par la guerre, les violences, les persécutions, la misère serait-il ajouter à leur malheur?
C’est le débat, récurrent depuis plusieurs semaines dans les rédactions, principalement anglo saxonnes, qu’a relancé un journaliste de la chaîne Al Jazira en en publiant un appel sur son blog : « Ne les appelez plus migrants » . Il demande aux médias de préférer « réfugiés » pour rendre compte de la fuite contrainte face aux horreurs de la guerre alors que « migrants » serait connoté péjorativement. C’est surtout par ce que l’on y accole qu’il l’est devenu : les politiques opposent volontiers « vrais réfugiés » à « migrants économiques » , cette crise serait « migratoire » lit-on partout, alors qu’il faudrait plutôt parler de crise de l’asile ou de crise de l’accueil en Europe. Migrant est en effet un terme « neutre », qui rend compte d’un mouvement, et s’est généralisé dans les médias et la classe politique depuis les années 2000, remplaçant les vocables porteurs, eux, d’une idéologie négative « sans papier » , * « clandestins »* , désormais tombés en quasi désuétude. Un terme a priori généraliste et donc pertinent… sauf que sa neutralité est parfois mise en cause : parler de migrants occulterait les personnes, les histoires humaines et les drames, sa neutralité pourrait contaminer le regard que l’on porte sur les personnes. One saurait pour autant parler de réfugié au sens propre, sauf à créer une confusion, banaliser et au final enlever de sa force au terme de « réfugiés » . « Exilés » , qui ne recouvre pas de notion juridique, pourrait s’imposer car ce terme porte à la fois une dimension émotionnelle, rend compte de l’obligation que l’on a eu à s’arracher de son pays et ne distingue pas entre les personnes qui ont fui, mais *migrant * reste pour l’instant le plus couramment employé.
- Migrant
Ce n’est pas un concept juridique. Est migrant tout individu qui a quitté volontairement son pays d’origine et est en chemin vers un autre, quelles que soient les raisons de son départ -guerre ou misère économique, raisons politiques, économiques ou culturelles. Il devient immigré lorsqu’il s’installe dans un pays tiers. Migrant est le terme générique le plus large. - Réfugié
Recouvre une définition juridique précise. L’article 1 de la Convention de Genève de 1951, ratifiée par 145 pays, relative au statut des réfugiés définit un réfugié comme « une personne qui se trouve hors du pays dont elle a la nationalité ou dans lequel elle a sa résidence habituelle, et qui du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social déterminé ou de ses opinions politiques craint avec raison d’être persécutée et ne peut se réclamer de la protection de ce pays ou en raison de ladite crainte ne peut y retourner « . Lors de guerres considérées comme telles au niveau international (Syrie, Afghanistan, Irak, Libye…), le HCR reconnaît des réfugiés « prima facie « . Ils n’ont pas besoin d’apporter la preuve de leur persécution, pour le HCR leur nationalité suffit. En revanche, pour les Etats, qui seuls sont habilités à accorder le droit d’asile, est considérée comme réfugiée une personne qui a déposé une demande d’asile et a obtenu le droit d’asile après avoir apporté la preuve que sa vie est sérieusement menacée dans son pays. Les 145 pays signataires de la convention de Genève – dont les pays de l’Union européenne – se sont engagés à les accueillir et protéger. Tout réfugié est donc un migrant mais tout migrant n’est pas réfugié. La France peut par ailleurs accorder l’asile constitutionnel « à toute personne persécutée en raison de son action pour la liberté » mais existe aussi, par transposition des textes européens, une protection subsidiaire pour les personnes qui ne remplissent pas les critères pour obtenir le statut de réfugié mais sont menacées de peine de mort, de traitements inhumains ou dégradants dans leur pays. - Demandeur d’asile
Désigne ceux qui ont déposé une demande d’asile arguant de leur besoin de protection et sont en attente de l’octroi du statut de réfugié. la période d’examen de leur dossier ainsi que les conditions d’accueil durant cet examen sont variables selon les pays. - Déplacés
S’emploie plutôt pour désigner les victimes d’un conflit, déplacées au sein de leur propre pays.